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Tentatives - Les notes de Nico

Pour aller plus loin

Note #1 – Dune (1984)

Publié le 11 Février 2014 par Nico Tentatives

Il y a énormément de clins d'œil scientifiques dans l'adaptation cinématographique de l'œuvre de Franck Herbert.

 

Parfois justes, parfois improbables, ceux-ci peuvent servir de vecteurs didactiques dans l'éveil de la curiosité. A travers cette vidéo, j'ai essayé, avec mon comparse, de les utiliser dans un but pédagogique, avec plus ou moins d'efficacité et un humour plus ou moins... bon.

Cela dit, dans un souci de concision et de respect des propos du film (que paradoxalement, je cherche parfois à démonter), il m'est arrivé de faire des raccourcis grossiers que je me devais absolument de corriger (quant à nos propos qui sont justes, je me propose ici de les développer pour aller un peu plus loin).

 

Mais peut-être n'avez-vous pas vu le film Dune, qui va quand même être évoqué dans cette note.

Dans un univers au rythme excessivement lent bourré de personnages inexpressifs (qui a dit David Lynch ?), une guerre d'intérêt se met en place, sous le regard attendri de l'empereur galactique, entre deux familles nobles.

Chacune d'entre elles est maîtresse de son domaine :

La famille Atréïdes, dont fait partie notre héros, Paul, gouverne le monde de Caladan,

La famille Harkonnen, roux vilains pas beaux, maîtresse de la planète Giedi Prime.

A l'instar du gouvernement américain, qui sous prétexte de libérer les peuples moyen-orientaux du joug de leur tyrans oppresseurs, va faire la guerre pour pomper un peu plus de pétrole, la famille Harkonnen se lance à la conquête de la planète Arrakis (au bon lait de brebis), jusqu'ici sous la tutelle des Atréïdes.

Pourquoi ? Arrakis n'est qu'une planète désertique peuplée principalement de vers de sable voraces et des frémens, un peuple pacifiquement révolutionnaire attendant son messie pour retrouver sa liberté.

En plus de ça, il fait trop chaud pour vivre sur cette planète. Comme on le dit dans la vidéo, il y fait 350 K (pour Kelvin).

 

D'ailleurs, voilà la première petite erreur de la vidéo. J'ai réutilisé les termes de la VF (honte à moi), qui énoncent que (je cite) "la température à la surface [d'Arrakis] est de 350 degrés Kelvin (arf)".

En fait, degré Kelvin ne se dit pas, et c'est la distinction qui se fait avec les degrés Fahrenheit et les degrés Celsius. Les Kelvin (car c'est comme ça qu'ils se nomment) sont la mesure de la température absolue, point. Les degrés (Celsius ou Fahrenheit) repèrent la température par rapport à une origine.

L'échelle des degrés Celsius fixe son origine comme étant la température à laquelle l'eau gèle aux conditions terrestres de pression à la pression à la surface de la Terre, soit 1 bar(je vous vois venir, bande de chenapans).

L'échelle des degrés Fahrenheit a quant à elle deux références : son "zéro" correspond à la température minimum atteinte lors de l'hiver 1708-1709, qui, coïncidence amusante, correspond également à la température de solidification d'un mélange égal de chlorure d'ammonium et d'eau. Sa deuxième référence, une température haute, correspond à la température du sang de cheval. D'ailleurs, histoire de simplifier un peu plus les choses, le physicien allemand Daniel Fahrenheit a divisé cet intervalle en 12 unités, chacune d'entre elles divisées en 8 sous-unités. Ainsi, l'intervalle contient 96 unités, 96 °F... Diantre !

Donc, les Kelvin mesurent la température absolue, tandis que les degrés Celsius et Fahrenheit mesurent une température relative.

 

Bref, revenons sur le film. La particularité d'Arrakis est d'être la seule planète à produire l'Epice, "une substance permettant de courber l'espace"...

 

"Bah, et la téléportation que tu évoques dans ta vidéo ?"

La téléportation, c'est pas vraiment la même chose. Ici, il ne s'agit pas de se dématérialiser pour se matérialiser ailleurs, mais plutôt d'emprunter un raccourci entre deux points de l'espace très éloignés. Supposons que je sniffe l'Epice tous les matins (ça pique un peu le nez, mais c'est pas désagréable). Pour me rendre sur la Lune, qui se trouve à environ 400 000 km de la Terre, je vais pouvoir courber l'espace (que l'on peut visualiser comme une nappe, par exemple) de façon à rapprocher la Lune de la Terre (en pliant la nappe). Je tends la main, je m'accroche fermement à un cratère, puis je déplie l'espace (la nappe) pour me retrouver finalement aux 400 000 km initiaux. Tout ça en moins d'une minute.

"Comme quand Ariane plie Paris dans Inception ?"

Voilà, c'est ça. Merci Nolan.

 

Du coup, cette substance éveille les intérêts, et c'est normal. Donc, les Harkonnen attaquent Arrakis, chèrement défendue par les Atréïdes. Et là, contrairement à ce que le film nous dit, les combats devraient pas durer plus d'une demi-journée.

Comme je l'explique dans l'Essai #1, les 350 K d'Arrakis correspondent à 77°C, ce qui est chaud. Très chaud. 19 °C de plus que la température naturelle la plus chaude de notre planète, celle du Sahara. 23 °C de moins que la température d'ébullition (on dit évaporation pour le changement d'état, de liquide à gazeux) de l'eau.

Et là, mea culpa, je fais une autre terrible erreur : un bête produit en croix pour estimer les pertes en eau sur Arrakis. Alors qu'il était tellement plus simple de dire qu'on y perd plus de 12 litres d'eau par jour. En plus de ça, j'extrapole de façon honteuse sur la durée de vie dans un désert et sur Arrakis. Okay, on se déshydrate complètement au bout de 3 jours(on finit par ressembler à n'importe quel aliment lyophilisé), mais on meurt bien avant ! Pauvres roux, pauvres héros...

Heureusement, Franck Herbert a pensé à tout, et David Lynch l'a bien retranscrit dans son œuvre : le distille, vêtement merveilleux permettant non pas de recycler la sueur en eau (car la sueur, c'est de l'eau), mais de la purifier pour la rendre potable. Donc, tout va bien, pas besoin d’eau sur Arrakis.

 

Reste la question de la respirabilité de cette planète. Ici, point d'erreur de notre part quant au contenu de l'atmosphère.

En effet, le ciel est jaune-orange à cause de l'interaction entre les poussières (ici, le sable) et le rayonnement incident. Comme je l'explique dans la vidéo, ce processus s'appelle la diffusion, et vous l'aurez compris, c’est pas facile à digérer. Cela dit, on peut aller plus loin.

Le phénomène de diffusion connaît différents comportements en fonction de la taille de la particule que rencontre le rayonnement incident. Ainsi, il existe deux théories distinctes pour ce processus : la théorie Rayleigh, qui marche pour les molécules et la théorie de Mie, pour les poussières.

La diffusion Rayleigh s’applique pour le rayonnement bleu de la lumière visible, et provoque la couleur du ciel sur Terre. Notre atmosphère, composée de diazote et de dioxygène, qui sont des molécules, diffuse le rayonnement bleu dans toutes les directions, avec la même efficacité. Le ciel de toute planète dotée d'une atmosphère transparente sera bleu !

La diffusion de Mie, elle, ne s'applique que pour le rayonnement jaune-orange, qui est diffusé par les poussières, plus efficacement vers l'avant, mais également dans les autres directions.

Sur Mars, ou sur Arrakis, s'il n'y avait pas toutes ces poussières dans l'atmosphère, le ciel serait bleu, donc. Sauf que l'atmosphère est blindée de poussières et autres grains de sable. Donc le ciel est orange.

Du coup, la couleur du ciel nous renseigne sur la taille des particules, mais ne nous dit pas si on peut respirer sur Arrakis !

 

Là, on a réfléchi par nous-mêmes. Et même si la conclusion tient la route, le raisonnement tient compte d'un lieu commun qui n'est pas toujours juste.

Il y a 2 méthodes pour renouveler le dioxygène d'une atmosphère. La première, c'est d'avoir des océans. Dans ces grandes étendues d'eau vivent des toutes petites bestioles, qu'on appelle notamment foraminifères. Quand ils meurent, ils libèrent leur dioxygène dans l'atmosphère et coulent au fond de l'eau pour former les sédiments. Mais, de leur vivant, ils respirent le dioxygène de l'atmosphère absorbé dans les océans, donc point de création, mais point de perte non plus.

La seconde, c'est les plantes, qui, pour se nourrir, utilisent le dioxyde de carbone de l'atmosphère et relâchent du dioxygène. Sauf que quand ces plantes meurent, elles consomment autant de dioxygène qu'elles ont libéré et libèrent autant de dioxyde de carbone qu'elles ont consommé. Donc pareil, bilan nul aussi. Sauf si les plantes, en mourant, n'ont pas de contact avec l'atmosphère. Du coup, elles ne peuvent pas consommer à nouveau le dioxygène qu'elles ont libéré. Ouf !

Donc, sur Arrakis, pas de renouvellement de l'oxygène, et en 10 191 ans, on peut se dire qu'il a été totalement consommé. Donc, a priori, on peut pas trop respirer sur cette planète.

 

Le film devrait donc s'arrêter comme ça ! Tout le monde débarque, et meurt par asphyxie. Voilà, fin ! (je vais pas vous spoiler tout le film, non plus !)

Promis, la prochaine note sera moins corrective et servira plus à développer nos propos.

 

Merci pour votre lecture, à très vite.

 

Nico

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